« Pour vous, qui suis-je ? » demande le Christ dans l’Évangile de ce 24e dimanche du Temps Ordinaire. Étrange question, avouons-le. Qu’est-ce que cela change à la dignité du Christ, à ce qu’Il est intrinsèquement, de savoir la perception qu’ont de Lui ses disciples ? Peut-être qu’en posant cette question, le Christ veut nous aider à avancer dans la foi. Lorsque nous le confessons notre foi en Christ, quelle perception avons-nous de Lui ? Qu’attendons-nous de ce Dieu qui est venu marcher avec nous ? C’est la question qu’il nous faut entendre ce dimanche. En fait, lorsque Dieu nous demande, par le Christ, « Pour vous, qui suis-je ? », c’est une invitation à engager notre « oui », notre vie à Sa suite. Notre confession de foi accepte de le reconnaître comme Celui qui vient donner une coloration à nos vies.
Accepter que Dieu nous échappe
C’est aussi accepter que Dieu nous échappe. Nous n’avons pas à mettre la main sur Lui comme Pierre souhaite le faire. Même si c’est avec délicatesse qu’il manifeste sa désapprobation, en prenant à l’écart Jésus, comme s’il ne fallait pas blesser la communauté des disciples. Mais, Jésus tient à reprendre Pierre publiquement. Il ne s’agit pas de l’humilier, mais de bien faire comprendre que nul ne prend Sa vie, mais que c’est lui qui la donne. C’est bien Dieu qui vient nous sauver et non l’inverse. Il est important, dans notre confession de foi, de ne pas oublier cet essentiel. Il nous aide à ne pas nous tromper sur la nature de notre attachement au Christ. Nous ne venons pas à Lui parce qu’Il nous sauve, mais c’est parce qu’Il nous sauve que nous venons à Lui. Le Salut de Dieu est toujours premier : c’est cela qui doit nous mettre en joie.
La question du témoignage
Comme baptisés, il nous revient de témoigner de cette joie. Elle doit être au cœur de notre vie pour qu’elle rayonne de l’Évangile et donc de la Parole de Dieu. Mais, il nous faut avoir bien conscience que cette joie, cette question du témoignage de notre amour de Dieu, doit dépasser nos mots. Cela doit s’incarner au cœur de notre existence. C’est bien le sens de ce que nous lisons, depuis plusieurs dimanches, sous la plume de l’apôtre Jacques. Il nous invite à incarner notre foi dans le concret. Bien sûr, il y a beaucoup de personnes qui exercent la charité sans relation à Dieu, dans un réel altruisme. Mais, pour nous, disciples de Jésus, c’est une exigence. Nous ne pouvons pas nous contenter de regarder au balcon le spectacle du monde. Nous avons à entrer dans ce monde afin qu’animés de la charité du Christ, nous contribuions à le rendre plus juste, plus fraternel, plus beau. Il ne s’agit pas d’un vœu pieux, mais d’une exigence pour celui ou celle qui désire devenir davantage compagnon de Jésus.
Parler de l’Évangile avec nos mains
Le jésuite Pierre Claver, que nous avons fêté jeudi, disait : « Nous devons leur parler avec nos mains avant de leur parler avec nos lèvres. » C’est cette réalité qui doit nous habiter. Annoncer l’Évangile, c’est relever nos manches pour devenir davantage des ministres de la charité. Elle se dit de multiples façons, à chacun d’entre nous de la trouver, dans le discernement personnel et communautaire. Mais, ce qui compte, c’est de nous engager à la suite du Christ dans le service des autres. C’est une manière concrète de construire concrètement le Royaume de Dieu. Pour ce faire, il faut se laisser conduire par Dieu en étant attentif à sa Parole qui se dit au cœur du monde.
La question de la sequela Christi
Suivre le Christ demande du courage, de l’abnégation. Le serviteur souffrant décrit par Isaïe, dans la première lecture, en est l’exemple. Il n s’agit de chercher la souffrance pour suivre le Christ. Les événements de notre vie suffisent à la connaître. Souvenons-nous du Principe et Fondement d’Ignace qui nous demande de ne rien chercher sauf de faire la volonté de Dieu. Notre vie, ses joies, ses peines, ses souffrances doivent être des occasions de nous unir au Christ. Dans notre quotidien, le Christ est avec nous. Notre proximité avec lui n’est pas une question de sacrifice. Dieu ne nous donnera pas le bonheur, la santé, la réussite… parce que nous nous scarifierons ou porterons la silice. Si ces pratiques nous aident à rejoindre le Seigneur pourquoi pas, mais il ne nous demande pas de nous blesser pour lui plaire.
Porter notre croix
D’ailleurs, si nous lisons bien l’Évangile de ce dimanche, le Christ ne nous demande pas de « chercher les croix » ou de « prendre la croix du Christ », mais de porter notre croix. La nôtre, pas celle du voisin. Nous n’avons ni à nous substituer au Christ, ni aux autres. Nous avons être à notre juste place en renonçant à notre égoïsme, à notre égocentriste pour devenir « christo-centriques ». C’est à cette conversion que nous appelle le Christ aujourd’hui, dans les textes de ce dimanche. Nous avons à le découvrir chaque jour davantage pour comprendre qu’il nous appelle à servir ce monde au cœur de notre vie. Ces premiers mots de la Consitution pastorale Gaudium et Spes du Concile Vatican : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur. » II nous placent bien dans cette dynamique des textes de ce dimanche Ainsi, nous comprenons que ce que nous vivons doit nous aider à nous « entre-porter au bien », comme le disait François de Sales.
Bâtir la communauté chrétienne
C’est en bâtissant la communauté chrétienne dans une volonté missionnaire que nous pourrons aussi témoigner du Christ, don de Dieu pour les Hommes. Nous avons à nous laisser entraîner par sa dynamique, par son enthousiasme à nous montrer la voix de Dieu. Ainsi, le Christ, tout Fils de Dieu qu’il était, ne s’est pas emparé de sa mission, il l’a reçue du Père et l’a remise au Père. Tout au long de l’Écriture, il était conduit par l’Esprit Saint, à se nourrir de sa relation avec son Père. Le Christ est venu nous montrer la voie de son Père pour que nous entendions sa voix au plus intime de notre cœur.
Puissions-nous, nous aussi, être attentifs aux bruits du monde et y discerner, dans le silence d’un cœur à cœur avec Dieu, les appels à servir Nous pouvons porter la question de savoir de quelle manière ressentir « l’effet de son amour » pour qu’il nous soit accordé de « le servir avec un cœur sans partage ». Cette demande de grâce qui est au cœur de la prière d’ouverture de ce 24e dimanche ordinaire peut nous habiter tout au long de cette semaine.
[…] avons comme à nous persuader que la vocation de l’autre n’est pas de me nuire, mais de construire le Royaume de Dieu. C’est ce présupposé positif qui doit nous habiter dans toutes nos rencontres. Nous pouvons […]