Nous lisons, ce 33e dimanche du temps ordinaire, des récits d’apocalypse dans la première lecture et dans l’Évangile. Ils nous présentent la fin des temps. Ce moment où le Fils de Dieu, le Christ, viendra récapituler toutes choses. Ces lectures nous annoncent, en fait, la fin de l’année liturgique et viennent préparer nos cœurs au temps de l’Avent qui s’ouvre d’ici deux semaines. La première lecture, tirée des apocalypses du prophète Daniel, nous présente le temps du jugement. Le récit met en scène un tribunal céleste pour recueillir les justes parmi les saints du Ciel et bannir de cette justice ceux qui l’auraient bafouée au cours de leur vie terrestre. Ce temps du jugement sonne comme une alerte, une invitation, et n’est pas sans nous faire penser à l’interpellation du psaume 14.
Un temps pour pratiquer la justice et la justesse
Ainsi, pour siéger sous la tente du Seigneur, il faut pratiquer la justice et la justesse. C’est-à-dire que notre vie doit être un temps pour servir le bien commun. Il s’agit de mettre en place des conditions justes pour que chacun ait le droit de vivre dignement. Ce dimanche est aussi la journée mondiale des pauvres voulue par le pape. Il ne s’agit pas d’exalter la pauvreté pour la pauvreté, mais de reconnaître que ces personnes ont à prendre pleinement part à la vie de la société. Cette dernière a une responsabilité, un devoir envers eux.
Il est temps que la parole soit restituée aux pauvres, parce que leurs demandes sont restées inécoutées pendant trop de temps.
— pape François (@Pontifex_fr) November 12, 2021
Nous ne pouvons pas passer notre vie à les côtoyer et à passer auprès d’eux dans les voir. Les personnes pauvres ne sont pas du mobilier urbain ! Leur consacrer une journée ne signifie pas que les autres jours sont pour les riches, mais qu’il est temps de leur permettre de prendre pleinement leur place dans la société.
Faire de la place à chacun
Suivre le Christ c’est entendre cette exigence de faire de la place à chacun. Tous, riches ou pauvres, nous sommes disciples du Christ et avons pleinement notre place dans la communauté, qu’elle soit humaine ou ecclésiale. Cette journée nous conduit à prendre conscience de nos propres résistances dans la rencontre de l’autre. Notre rapport à la pauvreté dit quelque chose de notre rapport à la possession. Mais souvenons-nous que notre terre ne nous appartient pas et que les conditions économiques de notre naissance tiennent du hasard. Pour autant, comme François d’Assise, nous pouvons faire le choix d’abandonner notre richesse économique pour nous consacrer au service des pauvres. Ainsi, nous devenons pauvres parmi les pauvres. Certains d’entre nous se sentent appelés à cette radicalité évangélique, d’autres non. Mais ce qui est certain, c’est que nous ne devons pas plus mépriser ceux qui sont pauvres que ceux qui ne le sont pas. C’est bien donc une radicalité dans la manière dont nous servons le Christ que nous sommes appelés à vivre.
Le temps de la générosité
Servir le Christ et son Évangile ne doit pas seulement habiter nos lèvres et notre intelligence, mais aussi – et surtout – notre cœur et notre manière de vivre. Cet appel est bien au cœur du passage de Daniel que nous écoutons ce dimanche. Comment, également, ne pas penser à cette veuve de Sarepta, que nous contemplions la semaine dernière. Sa radicalité, sa générosité et sa capacité à accueillir l’impromptu du temps sont signes de l’abondance des grâces du Royaume. C’est lui que nous sommes appelés à construire, à faire advenir en ce monde et en ce temps. Il est ce chemin de vie dont nous parle le psaume 15 que nous chantons ce dimanche. Cette vie qui est dans le don, la générosité et l’accueil. Aussi, nous apprenons chaque jour davantage à discerner la manière de l’exercer au cœur de notre vie.
Vivre l’Évangile en plein monde
Vivre l’Évangile en plein monde, au cœur du monde, demande de la clairvoyance. C’est aussi un chemin de vie où nous apprenons à lire les signes des temps. Jésus nous le propose clairement dans l’Évangile de ce dimanche, en nous demandant de nous inspirer de la croissance du figuier. Il s’agit d’une invitation à être attentif à tout ce qui germe dans ce monde, tout ce qui est signe de croissance. À l’inverse, il y a des lieux, des situations qui conduisent à la tristesse, à l’angoisse ou même à la désespérance. Si nous découvrons ces lieux, trouvons les occasions pour y apporter davantage de beauté, de bonté, de fraternité/sororité.
Annoncer l’Évangile en actes
Construire le Royaume de Dieu c’est annoncer le Christ en actes. L’Évangile est une bonne nouvelle qui se partage et se cultive. Ne l’oublions pas et apprenons du Christ à faire passer ses paroles de la tête au cœur afin que nous devenions davantage des bâtisseurs de justice et de paix. C’est un travail de longue haleine qui demande de la patience, de l’humilité et de l’abnégation. Faire de ce monde, de notre terre, du quotidien des femmes et des hommes de ce temps un lieu de paix, de rencontres cela demande de faire preuve d’inventivité. Comment ne pas penser, en cette journée mondiale des pauvres, à ce qui se passe à Calais et au mouvement prophétique des grévistes de la faim ? De même, comment ne pas s’émouvoir et se révolter devant la situation des migrants à la frontière de la Pologne ? Ce ne sont là que quelques exemples qui nous poussent à l’engagement pour la justice.
Un temps pour découvrir le Christ pauvre
Prendre conscience de ces situations de pauvreté c’est découvrir que le Christ y demeure. Mais soyons aussi conscients qu’il y a des pauvretés qui ne peuvent pas être dites. Elles ne se voient pas. Elles sont souvent signe de souffrances indicibles, insoupçonnées, inavouées. C’est pour cela qu’il est toujours temps de prendre soin des uns et des autres. Nous sommes le corps du Christ crucifié ressuscité. Solidaires des uns et des autres, nous partageons une commune humanité qui nous oblige. Ne perdons donc pas de temps en vaines querelles ; elles ne construisent pas le Royaume de Dieu et ne mobilisent pas notre intelligence à la recherche d’un mieux vivre ensemble. Au contraire, recherchons de quelles manières nous pouvons mettre nos capacités, notre inventivité, notre singularité au service de ce corps symbolique que nous formons les uns les autres.
Que la grâce du Seigneur nous aide à dépasser nos égoïsmes et nous fasse habiter dans son cœur pour vivre en frères et sœurs : témoins d’une espérance qui ne déçoit pas.