La liturgie de l’Église nous invite à prier, le Vendredi Saint, avec les impropères. Ce sont ces reproches que le Christ nous fait. Cette prière nous fait entrer dans le mystère de notre humanité. Nous prenons conscience de notre inconstance, de nos refus d’alliance. Le Seigneur vient à la porte de notre cœur nous demander : « Ô mon peuple, que t’ai-je fait ? En quoi t’ai-je contristé ? ». Au-delà du texte liturgique, nous pourrions allonger cette litanie des impropères. Combien de fois abîmons-nous le don que Dieu nous fait ?
Prier avec les impropères
Le Vendredi Saint, alors que nous célébrons la Passion de Notre Seigneur Jésus-Christ, nous pouvons aussi célébrer sa patience. Ces impropères nous le font bien comprendre. Depuis la première alliance, le Seigneur s’offre à nous. Il nous choisit pour être son peuple. Dieu nous invite à faire le bien, mais nous, nous regardons ailleurs. Nous choisissons d’abîmer sa création, de taire son fol amour, d’oublier de témoigner de l’immensité de sa tendresse pour chacun d’entre nous. Même si nous ne comprenons pas tout de cette foi qu’il fait jaillir dans nos cœurs, nous pourrions être reconnaissants de ce don que Dieu nous fait en son Fils.
Les malentendus de l’Alliance
Toute l’histoire de l’Évangile ressemble à un malentendu. Dès le début, l’incarnation est mal comprise. Dieu, en son Fils, vient nous donner Sa Paix et les hommes veulent le tuer. Aujourd’hui, dans ce Vendredi Saint, c’est ce même mouvement qui se reproduit. Dieu s’est donné, s’est offert en multitude. Ses trois années de ministère n’ont été que service. Il nous a indiqué le chemin du plus grand amour en nous invitant à taire notre égoïsme, notre petitesse, notre vaine gloire. Pour toute reconnaissance, nous lui offrons les bras ouverts de la croix.
Le fol amour de Dieu
Le Christ, malgré tout, malgré ces impropères, continue de nous aimer passionnément. C’est là tout le paradoxe du mystère de la Croix, de ce calvaire que le Christ subit. Aujourd’hui, il prend sur Lui l’injustice du monde. Il nous indique que la voie de la croissance est davantage dans le pardon et l’amour que dans la vengeance et la haine. C’est la force de Dieu de ne pas être dans la toute-puissance de la force. Son humilité, sa générosité sont pour nous des jalons pour notre vie humaine. Malgré tout, nous avons à accueillir ces impropères qui scandent cette journée du Vendredi Saint. Il ne s’agit pas de nous lamenter ou de nous flageller, mais de reconnaître avec honte et lucidité que nous gaspillons le don que Dieu ne cesse de nous faire.
Incapables d’accueillir le don de Dieu
Toutefois, même les proches du Christ, ceux qui ont par la suite proclamé les merveilles de son amour, n’ont pas été capables d’accueillir de suite cet amour. Laissons-nous interroger par nos incapacités à recevoir un tel don. Aujourd’hui, alors que nous suivons le Christ sur son chemin de croix et de mort, il ne nous est pas forcément demandé de sentir en nos corps les effets de sa Passion. Mais c’est notre cœur qui peut être oppressé d’abandonner Dieu, de ne pas savoir s’abreuver à la source de sa joie.
Le cœur transpercé du Christ
Cette source coule abondamment aujourd’hui du cœur transpercé du Christ. Malgré ces impropères, Dieu, en son Fils, nous ouvre son cœur. Il nous invite à nous laisser rejoindre par ce cœur blessé qui aime tant ce monde. Si sur la croix, le mystère de Dieu est signifié par un cœur ouvert où coule la source de sa vie, c’est pour que nous puissions nous en abreuver et laver nos amnésies dans son sang. Même au Calvaire, Dieu nous aime. C’est une leçon essentielle du Vendredi Saint. Nous pouvons alors nous laisser entraîner par un tel mouvement qui nous montre qu’il n’y a pas de limite à l’amour de Dieu.
Accueillir l’humanité
Ce cœur ouvert est aussi la porte ouverte aux femmes et aux hommes blessés par la vie. Sur la croix, le Christ se veut, paradoxalement, le refuge et la force de ceux qui espèrent en la force du don et du pardon. Certes, nous blessons le Christ par notre manière de ne pas prendre au sérieux son Évangile, mais nous blessons aussi le Christ en blessant nos frères et sœurs. Devant ce cœur ouvert, nous pouvons méditer sur la qualité de notre accueil, de l’espérance, de la charité que nous manifestons aux autres. Sommes-nous capables de supporter qu’ils nous insupportent ?
Au-delà de nos impatiences
Confions donc cette impatience au Christ souffrant. Confions-lui aussi toutes ces personnes victimes des conflits. Ceux qui sont dans nos familles comme ceux qui font la Une des journaux. Le Christ accueille par son sacrifice cette haine qui nous habite. Il nous demande uniquement de faire un pas vers la reconnaissance de nos infirmités du cœur. Ce Vendredi Saint peut nous amener à prendre conscience que nous ne savons pas aimer suffisamment.
La sécheresse de notre cœur
Notre cœur est sec, car nous oublions de l’abreuver à la source de l’amour, à la source de la joie que Dieu nous donne en contemplant son Fils. Devenir compagnon de Jésus n’est pas réservé à une élite, à des purs, à des gens extraordinaires. C’est la quête quotidienne de ceux et celles qui reconnaissent dans le don de la Croix une formidable espérance. La Croix peut devenir notre étendard si nous ne la considérons pas comme l’outil macabre qui a fait mourir le Fils.
La croix : route du pardon
Accueillons davantage l’invitation à la considérer comme ce signe qui nous indique la route du pardon et nous invite à aller au-delà de ce que nous pourrions donner. La Croix, que nous vénérons aujourd’hui, est un signe de générosité qui récapitule et transmet le souffle de Dieu. Cet Esprit est le don de l’Amour du Père et du Fils qui nous permet de continuer la route malgré tout. Nous avons besoin de souffle pour que la flamme de l’Amour continue de jaillir. Le Père a recueilli le souffle du Fils sur la croix comme pour mieux le ressusciter.
En ce Vendredi saint, accueillons certes ces impropères légitimes, mais entendons aussi le Christ nous demander de nous engager à sa suite. Nous pouvons avec lui changer le monde à la condition de le laisser transformer notre cœur. Puisse le silence de la croix nous conduire à considérer le Christ comme notre Sauveur et nous donner la grâce de placer en Lui toute notre espérance.