Avons-nous la foi ? C’est la question que le Seigneur nous pose en ce 27e dimanche ordinaire. Mais, qu’est-ce qu’avoir la foi ? Savons-nous exactement comment cela se manifeste au cœur de nos vies, de notre relation ? Est-ce quelque chose qui se mérite ? Certains seraient des élus, des élites qui auraient reçu le don de la foi, et d’autres non ? N’entrons pas dans cette conception janséniste de la foi. Elle nous est donnée une fois pour toutes à tous. Après, certains sont plus sensibles que d’autres à ce don qui germe en son temps.
Avoir la foi est quelque chose d’ordinaire
De plus, avoir la foi ne fait pas de nous des personnes extraordinaires. Au contraire, cela exige de nous une vigilance extrême pour ne pas faire mentir l’exigence que nous portons « dans des vases d’argile » (2 Co 4, 7). Dans l’Évangile que l’Église nous propose de contempler ce dimanche. Jésus est rude avec nous. Il nous dit que notre foi est microscopique, plus petite encore qu’un grain de moutarde. Ce n’est pas très encourageant, comme réponse aux apôtres. Ces derniers souhaitaient un conseil, un coup de main pour croire mieux, pour faire confiance davantage.
La foi nous conduit à l’humilité
La réponse de Jésus nous aide, sans doute, à comprendre que notre foi doit nous rendre humbles. Nous n’en sommes pas propriétaires, c’est un don de Dieu qui nous dépasse, qui nous est offert gratuitement. Et, justement, c’est par notre confiance en Dieu, dans notre « suivance » de ses enseignements, que notre foi peut grandir. Plus nous lirons les Écritures, plus nous nous rapprochons des sacrements, et particulièrement de l’Eucharistie, plus nous sentirons le Christ proche de nous. Cette proximité peut aussi se dire, paradoxalement, dans la nuit de la foi. Dans l’absence de sentiment, de sensation de proximité, nous savons que le Christ est tout de même présent. C’est un des mystères de notre foi qui nous dépasse, mais nous console.
Un lien qui engage
Notre lien au Christ, à son Père, dans l’unité de l’Esprit, ne doit pas rester de l’ordre du ressenti et nous faire vivre de manière solitaire et égoïste. Cette foi, aussi infinitésimale soit-elle, doit nous entraîner en plein monde. Le Christ nous convoque pour habiter le monde dans le charisme de notre vocation. Habiter le monde ne signifie pas la même chose pour des personnes qui ont choisi la vie monastique que pour celles qui vivent de manière apostolique. Mais, nous portons tous, comme baptisés, cette même responsabilité d’annoncer l’Évangile, la Parole de Dieu qui se fait chair par nos vies, aux femmes et aux hommes de ce temps. C’est d’ailleurs ce que le Christ nous demandait avec Lazare la semaine dernière.
Servir l’humanité souffrante
Chacun de nous est donc appelé à servir l’humanité souffrante de manière singulière. Être serviteur et donner notre vie au Christ c’est ce que le Seigneur nous demande. Souvenons-nous de ce magnifique passage de Michée : « On t’a fait connaître ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que respecter le droit, aimer la fidélité, et t’appliquer à marcher avec ton Dieu » (Mi 6, 8). La liturgie aurait pu, d’ailleurs, nous le proposer en première lecture. Mais c’est Habacuc qui nous accompagne ce dimanche.
Soyons forts et fidèles
Nous entendons les récriminations du prophète devant la violence qui s’abat et Dieu lui répondre par un encouragement à la fidélité. Comme avec les disciples, la réponse n’est pas directe. Elle est même complètement hors-sujet. Si nous faisons un effort de mémoire de notre prière et des réponses apportées par le Seigneur, nous reconnaîtrons sans mal sa manière de faire. Il semble que le Seigneur désire vraiment que nous nous attachions à Lui, à nous enraciner dans la fidélité à son nom. Cet attachement, ce lien que nous nouons avec Lui n’est pas une entrave qui nous immobilise. Dieu n’est pas une idole. Mais un chemin de liberté, de vérité et de paix.
Esclaves du Christ
Certes, nous sommes, ce dimanche, si nous suivons le texte grec, assimilés à des esclaves. Effectivement, le service de Dieu donc de nos frères et sœurs en humanité n’est pas la conséquence d’un contrat de travail associé à une fiche de tâche et à une rémunération. Aussi, depuis notre baptême nous appartenons au Maître, comme l’esclave. Mais, notre liberté n’est pas niée dans ce lien. C’est donc là où s’arrête la comparaison. Pour autant, arrêtons-nous sur cette appartenance à Dieu. Elle ne nous fait pas devenir des pantins, des jouets de sa volonté. Certes, nous appartenons à Dieu, mais c’est librement que nous le sommes.
La foi nous rend libres
Avec le Seigneur, la liberté est première. Elle nous conduit à consentir au service du Royaume parce que cela a du sens pour nous. Il s’agit d’un appel qui nous mène au cœur même de Dieu qui est la liberté même. Se lier au Christ, c’est s’attacher à son cœur ; celui de Jésus ressuscité. L’amour du Cœur de Jésus nous permet de saisir l’audace du service et du témoignage. Il ne s’agit pas certes de crier sur tous les toits ou d’afficher sur les réseaux sociaux ce que nous faisons de bien (d’ailleurs peut-être serions-nous en difficulté de le faire). Mais, par ces actions de service, de proximité, d’attitude, d’écoute, de disponibilités… nous tâchons d’être pour les autres témoignages du visage du Christ ressuscité.
Au service de sa divine Majesté
Peut-être avons-nous l’impression que nous n’en faisons pas assez. Nous avons tendance à nous comparer avec ces saints connus et inconnus qui « font tant de belles choses » et nous sentir désolés d’être si pauvres, si petits. Toutefois, souvenons-nous que rien n’est petit pour Dieu. Certes, notre foi est fragile, plus petite qu’un grain de moutarde, mais elle est une étincelle qui, ajoutée à d’autres, peut éclairer la nuit des femmes et des hommes de ce temps. C’est le Seigneur aimant et miséricordieux que nous servons. C’est sa force qui vient nous donner l’audace d’espérer et d’annoncer par nos vies, nos mains, son insondable mystère. Elle se reçoit dans la prière, les sacrements, la contemplation de l’agir de Dieu dans les Écritures.
Demandons donc au Seigneur la grâce d’ouvrir davantage notre cœur à sa miséricorde. Que son amour nous donne de reconnaître que Dieu est à l’œuvre en cet âge par nos vies et nos mains, aussi fragiles soient-elles.