Sur ta croix, ô doux Jésus, tu nous avais déjà donné des preuves éclatantes du grand penchant de ton amour pour nous. Mais voici que tu le confirmes, tournant la tête et l’inclinant. Tu inclines vers nous la tête et, puisque tout est tout entier notre tête, tout entier, tu t’inclines vers nous, pour être divinement notre mérite. Tu t’inclines pour déposer ta vie, manifestant clairement par un signe de ta tête divine que tu la déposes pour nous. Tu livres et tu rends au Père cet esprit que, librement, tu donnes pour tes brebis.
Ton âme et ton corps se séparent. C’en est fini pour toi des douleurs et des tourments. Ta mort les absorbe, en même temps, qu’elle abolit la mort même et le péché.
Le Christ meurt sur la croix
Voici le moment suprême du temps. Le Créateur meurt, comme un abandonné. Toute la création s’ébranle et s’agite. Elle proclame alors le deuil qu’elle avait ressenti tout au long de la passion du Christ. Les Anges pleurent sur la mort de Celui qui est leur vie éternelle… La Vierge Marie éprouve violemment dans son cœur la mort du Fils de Dieu. Les Apôtres souffrent et les saintes femmes. Chacun à la mesure de sa foi.
Ce fut une douleur extrême, mais de toutes les souffrances du Christ, ce fut la dernière. Puis vient la gloire. Gloire de son âme. Gloire de toutes les âmes retenue dans les limbes. La rançon de l’humanité captive était acquittée. La rédemption de tout mortel était opérée. A cet instant s’accomplissait la mort de nos péchés, la mortification de nos sens, l’élévation et la consommation de notre esprit en Dieu, grâce du Christ à ceux qui le servent. Malheureux si n’y sommes point portés ! Plus malheureux si nous reconnaissons et ne pleurons pas notre misère !
Le cri de Jésus
Le ciel, l’air, la mer, la terre, les sépulcres, les enfers, tout éprouve la force de la mort du Christ. Si nous ne l’éprouvons pas, si nous ne sommes pas élevés de nous-mêmes, nous sommes plus stupides, que les éléments insensés, et plus engourdis que les morts ; et notre insensibilité est d’autant plus funeste qu’elle vient de notre volonté et de notre lâcheté. Même le centurion et ceux qui étaient avec lui devraient nous porter à sentir la mort du Christ ; ils étaient plus que la terre, plus que les pierres et que les monuments, mais infidèles et idolâtres, ils ont pourtant reconnu et confessé la divinité de Jésus en entendant son cri et en assistant à sa mort. Le cri de Jésus a brisé leurs cœurs plus durs que la pierre ; les signes qui se produisaient alors ont ébranlé leur âme et vaincu leur infidélité. Et ils n’ébranleraient par l’imperfection de notre foi ? Ils n’amolliraient pas la dureté de nos cœurs ? Qui dont ne s’unirait pas à cette foule ? Puisque c’est une foule qui se tenait là et regardait et, s’en retournait en se frappant la poitrine.
-Crie, Seigneur Jésus, ce cri dans notre cœur.
– J’ai crié et je cris sans cesse, et vous ne m’entendez pas.
– Augmente donc, ô grand Jésus, la force de ton cri. Et contrains à t’entendre nos volontés rebelles. Manifeste en nous tes signes. Déchire le voile qui nous aveugle. Frappe-nous de ta crainte salutaire. Brise et dissipe la dureté de nos cœurs. Ouvre le sépulcre de nos âmes pour que nos péchés exhalent leur odeur et qu’en les avouant nous nous hâtions vers le salut.
Contrains-nous, Seigneur, contrains-nous à aller vers toi, selon ce qui nous sera bon et que tu le désires. Unis nos cœurs à la blessure que mort, tu as reçue, pour qu’ils en aient le sentiment tendre et sacré. La lance a pénétré ton cœur divin. Que la force de cette lance, la force de ton cœur pénètre, en passant jusqu’à l’intime de mon propre cœur.
Et désormais, sans cesse, qu’elle me transperce de ta crainte et de ta charité.
Jérôme Nadal (1535-1575)
Journal spirituel