Dernière modification 3 semaines by Chrétien en ce temps
Ce 6e dimanche ordinaire, nous entendons, dans l’Évangile de Luc, les Béatitudes. Ce texte bien connu n’est pas pour autant aisé à entendre. Il y a une opposition entre les riches et les pauvres ainsi qu’entre le présent et l’avenir. Nous pouvons en avoir une lecture assez binaire et ainsi rassurer les pauvres – les bien-aimés de Dieu – sur le fait qu’ils auront une place de choix dans le Royaume. C’est une bien maigre consolation et aussi une mauvaise compréhension de l’Évangile. Ce dernier n’est pas là pour offrir une quelconque réponse aux maux de notre temps, ce n’est pas un manuel ou un traité politique. L’Évangile est là pour nous conduire vers la joie de Dieu, le tressaillement de son amour.
L’Évangile des Béatitudes : un électrochoc pour notre foi
Toutefois, dans cette opposition riches/pauvres, nous comprenons que la « préférence de Dieu », l’inclination de son cœur, se tourne vers les plus fragiles. Ce sont les méprisés, les tristes, ceux qui sont au ban de la société qui sont sa priorité, simplement parce qu’ils sont victimes de l’injustice, du mépris. Dieu ne supporte pas que l’Amour soit bafoué. C’est en cela que nous pouvons entendre ces Béatitudes. Elles peuvent provoquer en nous un électrochoc, un réveil sur notre propre confort, nos propres ignorances choisies ou subies.
Bienheureux et malheureux
Ainsi en est-il aussi des malédictions des Béatitudes. Elles sont le constat d’une manière de vivre en se croyant déjà arrivé. Puissions-nous ne pas vivre en étant convaincus que nous sommes repus, arrivés au terme de notre croissance humaine et spirituelle. Nous sommes toujours en chemin, à la fois sur le chemin qui nous mène à Dieu, mais aussi sur celui qui nous mène aux autres. Notre appel est de nous faire proches les uns des autres, et ce, quelles que soient les situations ou les positions sociales.
Dire la proximité de Dieu
Ce texte de Luc nous donne quelques actions prioritaires pour exercer cette proximité. Il s’agit avant toute chose de rassasier ceux qui ont faim, consoler ceux qui pleurent, accueillir ceux qui professent le nom de Dieu. À vrai dire, cela ne semble pas vraiment difficile et beaucoup d’entre nous sont dans cette manière d’accueillir l’autre. Pour autant, c’est une vigilance de chaque jour, une remise en cause de chaque instant dans une relecture attentive et bienveillante de notre vie.
L’Évangile : un appel au service
Pour autant, est-ce vraiment cela servir le Royaume de Dieu ? Une somme de choses importantes à faire qui annoncent le Royaume et sa Justice ? Ce sont là des premiers pas, des manières concrètes d’entrer dans la profondeur de l’Amour de Dieu. Mais si nous en restons à des postures, à des sortes de listes de tâches à réaliser, nous passons à côté. En fait, ce qui importe, c’est d’avoir vraiment à cœur le désir de rendre présent l’Amour de Dieu au cœur du monde.
S’enraciner dans l’espérance
Ainsi, et c’est la première lecture de ce 6e dimanche ordinaire qui nous l’explique, c’est en Dieu que nous avons à placer notre espérance. Certes, nous pouvons – et devons – apprendre à compter les uns sur les autres, à nous entraider pour le bien. Mais, même si chacun de nous a d’immenses qualités et capacités, nous ne sommes pas Dieu.
Le danger des idoles
Aussi, ne faisons pas de nos semblables des idoles. Nous sommes tout aussi capables que fragiles. Apprenons plutôt à nous présenter les uns les autres à Dieu dans une ardente prière. Ainsi, nous serons présents au plus intime de nous-mêmes et pourrons compter sur la force de Dieu pour conduire notre route. C’est donc bien sur Dieu que nous pouvons compter. Lui seul est notre force, notre espérance et notre joie. Celle-là même que nul ne peut nous ravir et qui nous enracine dans la force de Dieu.
Compter sur le vent de l’Esprit
Cela demande une réelle vigilance. Nous avons souvent tendance à confondre Dieu avec des idoles qui satisferaient nos demandes. Ainsi, nous confondons la prière avec la magie. Prier, c’est entrer dans l’intimité de Dieu et se recevoir de Lui. C’est se laisser rafraîchir par le vent de l’Esprit et l’eau de notre baptême pour annoncer l’Évangile aux femmes et aux hommes de ce monde.
Porter du fruit
Si nous prenons le risque de nous enraciner en Dieu, de nous engager à Le mettre en premier dans notre vie, nous serons cet arbre qui porte du fruit en abondance dont nous parle la 1re lecture. C’est donc à une solidité dans la foi, dans le nom de Jésus, que nous sommes appelés. Certes, nous pourrons être pris dans les vents de la vie qui soufflent fort, mais nous tiendrons, car nos racines sont plantées dans une terre profonde.
L’Évangile une bonne nouvelle ?
Cet Évangile n’est pas seulement une Bonne Nouvelle, de beaux préceptes, des invitations à être justes et bons en ce monde et en ce temps. Vivre selon la Bonne Nouvelle, c’est confesser le Christ mort et ressuscité. Voilà ce que nous avons à annoncer. Certes, Jésus est passé dans notre monde en faisant le bien, en guérissant des malades et en chassant des esprits impurs. Mais il est d’abord le Fils de Dieu qui est passé par la mort pour prendre sur Lui tout ce qui nuit à la dignité et à l’accueil de l’autre. Il est venu transcender les limites de notre humanité pour les conduire à l’incommensurable de l’Amour de Dieu. Sa Résurrection est venue élargir pour toujours les limites du cœur de l’homme en le dimensionnant au cœur de Dieu.
Entrer dans la force de Dieu
Ainsi, vivre de l’Évangile, c’est entrer dans le dynamisme du Ressuscité et ouvrir chaque temps à l’espérance. C’est-à-dire choisir de ne pas renoncer à être des témoins du Christ ressuscité dans et par toute notre vie. Non qu’il nous faille le proclamer sur les places et les parvis à grand renfort de processions. Mais par et dans ce que nous faisons, apprenons à faire de notre présence une occasion pour œuvrer et faire que Dieu soit à l’œuvre en cet âge. Ce sont là de multiples graines que nous semons qui rendront le monde plus beau, car fruit du don de Dieu que nous avons fait fructifier.
Servir davantage le Royaume et sa justice
Alors, prenons le temps de relire cet Évangile des Béatitudes. Nous entendrons et comprendrons davantage comment le Seigneur désire que nous servions son Royaume et sa Justice. Prions également les uns pour les autres, les uns avec les autres, pour que nous soyons attentifs à tout ce qui germe de beau, de bien, de juste en ce monde. C’est là le gages du désir de Dieu de faire de sa création une forêt « d’arbres plantés près d’un ruisseau, qui donnent du fruit en son temps » (psaume 1).