Dernière modification 5 jours by Chrétien en ce temps
« Vous ferez cela en mémoire de moi ». Cette simple phrase est au cœur de ce que nous célébrons ce Jeudi saint. Ce jour inaugure les trois jours dits « saints » qui nous conduisent au soir de Pâques. Le Jeudi saint, nous faisons mémoire de la dernière Cène, du dernier repas de Jésus avec ses disciples. C’est le repas de la Pâque juive, un repas de fête donc. Mais la tonalité des textes proposés par la liturgie de ce dimanche ne nous met pas en joie. Jésus annonce sa passion et Paul rappelle que faire mémoire de ce repas est la proclamation de la mort du Seigneur. Drôle de repas de fête dont le Christ nous demande de faire mémoire.
Faire mémoire de la Cène c’est entrer dans le mystère de la foi
En fait, la mort du Seigneur n’est pas l’essentiel de notre célébration. Elle est importante, car elle dit combien « le cœur de l’homme est compliqué et malade » et combien le Christ s’y soumet par obéissance à la volonté du Père. Il assume jusqu’au bout son humanité, comme le montre le récit de la passion entendue au jour des Rameaux. Mais ce qui importe aujourd’hui, en ce Jeudi saint, c’est de garder au cœur la connaissance du sens profond de l’Eucharistie célébrée jour après jour.
L’Eucharistie et le lavement des pieds
Certes, il y a le pain et le vin qui sont toute la vie du Christ, dont nous parle Paul dans la seconde lecture. Mais il y a aussi le lavement des pieds que nous présente Jean dans son Évangile. En fait, ces deux textes ne s’opposent pas. Ce ne sont pas deux réalités distinctes. Ils se répondent comme pour mieux se rejoindre.
Pas d’ Eucharistie sans lavement des pieds
Ainsi, nous saisissons qu’il ne peut pas y avoir d’Eucharistie sans lavement des pieds. Ou plutôt, l’Eucharistie et le lavement des pieds sont exactement la même chose. C’est-à-dire qu’il manquerait une dimension essentielle à notre existence de chrétiens si l’une ou l’autre manquait. Ainsi, cette mémoire de la dernière Cène, célébrée ce Jeudi saint, nous fait saisir que le service de l’autre, de ce frère, de cette sœur, nous conduit à reconnaître « qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime ».
Faire mémoire de l’Amour de Dieu
Et lorsque nous choisissons de suivre le Christ de plus près, nous faisons le choix de marcher sur le chemin d’un amour de tous. Si nous sommes un tant soit peu honnêtes avec nous-mêmes, nous constatons sans mal que nous marchons très souvent à côté de ce chemin. Alors, sommes-nous de mauvais chrétiens ? Sommes-nous incapables de mettre en œuvre ce commandement de l’Amour dont nous faisons mémoire à chacune des Eucharisties que nous célébrons ? Laissons à notre conscience et surtout à Dieu le soin de juger de notre volonté à aimer.
La force de la conversion
Entrer dans une culpabilisation serait trop facile, car cela n’invite pas à la conversion. Aussi, si l’Église nous présente ces deux textes en dialogue, c’est pour nous faire saisir le sens que Jésus donne au don de sa vie.
Jésus et le sens du service
Tout au long de sa vie, le Christ-Jésus « a pris la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes » (Ph 2, 7b). Il s’est fait proche de chacune des personnes qu’Il rencontrait pour leur témoigner de la proximité de Dieu.
La mémoire et la mission
Dans cette mémoire du Christ que nous sommes invités à faire en ce Jeudi saint, nous sommes invités, nous aussi, à nous faire proches des femmes et des hommes de ce temps. Souvenons-nous « que nous sommes en ambassade pour le Christ » (2 Co 5,20). C’est-à-dire que nous avons à être et devenir des témoins crédibles du Christ en toutes choses et en tous lieux.
Des femmes et des hommes pour et avec les autres
Faire mémoire du Jeudi saint, c’est se souvenir que le corps et le sang du Christ que nous recevons à chaque Eucharistie nous configurent au Christ serviteur. C’est-à-dire à être et devenir des femmes et des hommes pour et avec les autres. Voilà ce que nous dit Jésus en lavant les pieds de ses disciples. Oui, il est le maître et le Seigneur. Et, n’en déplaise à Pierre, c’est bien le Fils de Dieu qui s’humilie et s’agenouille devant ces hommes fragiles, têtus et lents à croire. Mais l’Amour de Dieu surpasse toutes nos rigidités et nos idées préconçues.
L’écoute et le service
Combien de fois répondons-nous à l’autre qui n’a pas fini de parler ou de nous faire saisir quelque chose d’important ? Nous sommes toujours pressés d’avoir le dernier mot, alors que nous devrions chercher davantage à avoir l’avant-dernier mot. C’est-à-dire à parler pour dire quelque chose qui résonne de l’Amour de Dieu. Pas facile, tant nous sommes pressés de vivre et d’exister.
Prendre le temps
Mais en observant Jésus ce soir, nous constatons qu’il prend son temps. Il prend, au sens propre, cette condition de serviteur en quittant l’habit commun pour revêtir le tablier et le linge à la ceinture.
Acceptons que Jésus vienne nous rencontrer et nous servir pour qu’à notre tour nous allions rencontrer et servir les femmes et les hommes de ce temps. C’est cette mission que les apôtres reçoivent en cette Cène et que nous recevons lors de notre baptême. Chacun et chacune d’entre nous est concerné par la mémoire de ce geste. Nous sommes bien sauvés – aimés – pour servir. C’est là le but de notre vie chrétienne.
L’Église comme communauté du service
Mais cet appel à faire mémoire de la proximité de Dieu nous concerne aussi comme corps ecclésial, comme Église. Et aujourd’hui, c’est en Église, comme communauté chrétienne, que nous faisons mémoire de cette dernière Cène qui eut lieu une seule fois dans l’histoire. Mais elle nous engage à servir et donc à nous faire proches de la vie du monde.
Une Église en sortie
C’est le sens de cette Église en sortie pour laquelle le pape François plaide. Une Église qui sait être le reflet de ces hommes ordinaires saisis par Dieu. Ils n’étaient pas des héros et encore moins des hérauts. Le courage n’était pas leur qualité première, mais leur amour de Dieu leur a permis de se laisser rencontrer par le Christ, au lendemain de sa résurrection.
Faire mémoire de l’Amour de Dieu
Alors, si nous avons du mal à entrer dans les projets de Dieu, si l’Église parfois rencontre notre incompréhension, continuons de nous en remettre à Dieu. Ce qui importe, c’est de se mettre en chemin, de se laisser rejoindre par l’Amour de Dieu qui se dit et se donne aujourd’hui spécialement dans l’Eucharistie.
Ainsi, lorsque nous faisons mémoire de cette dernière Cène, nous recevons son corps et son sang et nous laissons le Christ nous laver les pieds. Alors, nous pourrons partir et être renouvelés dans notre zèle apostolique. Ainsi, nous deviendrons davantage ces serviteurs de la mission du Christ, serviteurs ordinaires des femmes et des hommes de ce temps.