Pendant que nous, nantis, débattons sur les réseaux sociaux de nos divergences d’opinions quant à l’élection de l’élection du prochain président de la République pour la France, d’autres, loin d’être nantis se demandent où ils vont dormir le 1er juin au matin. N’en déplaise à M. Sarkozy, la France qui se lève tôt comprend des hommes, des femmes qui dorment durant l’hiver dans des centres d’hébergement et qui le quittent la journée pour travailler et trouver un subside pour continuer à vivre aussi dignement que possible. Les travailleurs sociaux, les associations d’aide aux plus démunis ne font pas de l’assistanat, ne protègent pas des faignants ou des gens qui profitent du système – certes comme partout il y en a – mais se battent à leurs côtés pour que ces hommes et ces femmes, à la rue, du fait d’un accident de la vie, de la fuite d’un pays où ils sont en danger… retrouvent un chemin d’autonomie, de fierté, de croissance. Ce dernier leur permet de « sortir du tunnel, d’arriver vers la lumière par [leurs] propres moyens avec l’aide d’une personne (travailleur social) ». C’est pour eux de l’assistance et non de l’assistanat. Cela permet également d’acquérir, de nouveau, une « maturité, une sérénité qui permet de réintégrer la société qui [les] rejette » car dans ce centre, ils peuvent acquérir la « capacité de rebondir à la différence de la vie à la rue ».
J’ai la chance d’être né dans une famille, certes imparfaite, où je trouverai chaque jour que Dieu fait, en cas de problème, un toit et de quoi me nourrir et me chauffer en cas de gros pépin. Il en est de même pour beaucoup de ceux que je fréquente dans mes cercles familiers. Ce n’est pas la même chose pour ceux que mon métier m’amène à rencontrer aux côtés de la presse. Ces hommes et ces femmes sont dans l’angoisse du demain. Ces hommes et ces femmes se battent pour s’en sortir. Ces hommes et ces femmes ont réappris aux côtés des travailleurs sociaux ce que manger, se laver, se lever, dormir, aimer veut dire. Ces hommes et ses femmes aiment notre pays. Ces hommes et ces femmes ont un avis politique et pour certains l’expriment par le vote et le militantisme. Un des ces résidents est même venu faire recoller avec du ruban adhésif sa carte d’électeur abimée par des heurts de la vie. Ces hommes et ces femmes sont la fierté de la France car ils savent lui exprimer reconnaissance dans leur investissement constant pour s’en sortir sachant que leur parcours de vie ne facilite pas aisément cette démarche. Ces Hommes et ces Femmes sont pour certains d’anciens professeurs agrégés, économistes, animateur radio connus dans leur pays…Enfin, ces hommes et ces femmes sont autant aimables et dignes de respect que nos élites et autres caciques et nous invitent à ravaler notre suffisance.
Durant cette campagne électorale pour les présidentielles, j’ai assisté à trois débats avec des personnes en situation d’exclusion. Chacun de ces débats m’a impressionné et m’a permis de comprendre que les vrais héros de notre temps ce sont eux : l’armée des invisibles. Personne ne parle d’eux, aucun candidat – ou si peu – n’a évoqué leur avenir. Ces personnes ont conscience du regard que la société porte sur elles : « nous faisons peur, esthétiquement nous sommes laids à voir, mais notre société n’a qu’une alternative : soit elle nous intègre, soit elle nous exclut. L’exclusion coûte plus cher que l’inclusion ». Et pourtant, il y a urgence. Est-il admissible en 2012 que tant de personnes soient contraintes de craindre de dormir dehors, une fois l’hiver terminé. Dormir au chaud n’est pas une question de température ou de calendrier, c’est une question d’évidence, de dignité d’autant plus lorsque l’on est la patrie des droits de l’Homme…Ces personnes souhaitent véritablement « contribuer à l’épanouissement de ce pays et ont conscience que les uns ont besoin des autres. ».
Dans ces débats, j’ai entendu leur réaction sur la droitisation de la campagne, l’une des ces personnes à déclarer sa flamme à la France « Lorsque l’on a choisi la France, même si on n’a pas les papiers qui le disent, on est tous Français, on aime la France. Elle est notre patrie et c’est notre pays de cœur ». Les autres souscrivent à cette déclaration mais n’en restent pas là. Ils réfléchissent aussi à ce travail qui manque tant en France ; à la solution pour lutter contre le chômage : « le travail est une force qui doit être partagée il doit en être de même pour ce qui concerne les moyens de production. Voilà une des solutions pour bâtir la paix sociale ». Un autre angle qui les préoccupe, c’est l’éducation, l’instruction ; ce devrait-être une « priorité », « c’est la base ». Certains d’entre eux ont fait le tour du monde et témoignent non seulement de la performance du système français mais aussi du ridicule avec lequel tous les autres pays considèrent Nicolas Sarkozy depuis qu’il est à l’Elysée : « son image est très mauvaise ». Pour ces personnes en situation d’exclusion il leur paraît inacceptable que Celui qui est Président fasse tel « un charretier sur un champ de foire ». « C’est impensable, de même que son côté bling-bling. ».
Ensemble, ils ont regardé le débat entre Nicolas Sarkozy et François Hollande et regrettent que les questions d’hébergement et de pauvreté n’aient pas été abordées. C’était un moment fort, « une confrontation entre deux personnalités, dont une se débattait comme quelqu’un en train de se noyer ». Pour eux, c’était deux programmes qui s’opposaient : l’un matérialiste, l’autre humaniste. La directrice du Centre témoigne que lorsque le thème de l’immigration est venu dans le débat un silence a rempli la salle TV. Plus personne ne parlait, chacun écoutait avec retenue ce qui se débattait.
Cette campagne les a vivement intéressés car ils ont l’impression que c’est l’avenir d’un pays qui se joue. Ils sentent impliqués « intellectuellement et physiquement du fait qu’ils vivent ici. » Même s’ils ont compris – malgré eux – que les « personnes en détresse n’étaient pas la préoccupation des politiques ».
Monsieur le prochain Président de la République (qui je l’espère sera François Hollande), s’il vous plait, n’oubliez pas ces Hommes et ces Femmes qui comptent sur notre République, sur ceux qui sont les forces vives de la Nation pour pouvoir « sortir la tête haute » de ces structures d’hébergement qui ne sont que des passages. Ne faîtes pas des plus fragiles des passagers clandestins de notre société. Donnez-leur l’occasion de révéler à notre société que leur faiblesse peut se révéler une force, que leurs savoirs, leurs parcours de vie peuvent être éloquents pour nous car nous ne serions pas capables de vivre ce qu’ils vivent.
Merci Emmanuel, pour ce cri du cœur bien loin de la poche portefeuille. De nombreuses positions effarouchées me portent à penser que l’appropriation de l’Enseignement Social de l’Église est bien loin d’être assimilé par les chrétiens qui le prenne – par méconnaissance ? – pour une peste bolchevique ou écoloUtopicoPasRigolo. On pourrait se demander à notre tour si les Catholiques sont ou non « rentrés dans l’histoire » selon le mot de NS pour l’Afrique. L’acceptation du réel de la politique qui prend acte de ce qui est pour le transformer, avec la part de compromis inhérents à notre monde imparfait, semble encore bien lointain. Nous préférons des hommes et des femmes qui disent nos valeurs. Tan-pis si les actes disent le contraire. Pauvres, sachez-le vous êtes bienheureux encore pour longtemps. les riches catholiques pleins de bon sens « famille, éthique, honneur » prient pour vous. Je ne peux m’y résoudre. L’un ne va pas sans l’autre : aux actes citoyens !
Merci de votre commentaire. Il faut savoir faire des choix et les enjeux de la promotion de la justice sociale, mettre tout en œuvre pour que les experts de domaines (associations, personnes accueillies) soient consultés me semble essentiel pour construire notre société.
[…] des chemins pour lutter avec elles contre ces injustices qui mènent aux situations de pauvreté. Leurs paroles peuvent être tout aussi expertes, leurs opinions sont très souvent aussi, voire plus pertinentes que celles des commentateurs ou […]
[…] Au bout de six mois de présidence de François Hollande, le bilan est plutôt mitigé voire décevant. J’attendais de grandes décisions sociales, fidèles aux valeurs de gauche. Je ne vois que de timides errements et hélas, pour seule grande réforme sociale, le mariage homosexuel. Une fois encore ce débat mérite d’avoir lieu mais la souffrance des personnes les plus fragiles et démunies devrait être la priorité numéro un. Alors, j’exhorte ce Président que j’ai élu, soutenu depuis la primaire à l’Elysée, à ne pas décevoir ceux qui attendaient un vrai changement dans l’exercice du pouvoir. Ce ne sont pas de mesurettes dont les Français ont besoin mais de signe fort en faveur des moins favorisés. S’occuper de la crise économique est important, des minorités sexuelles aussi, mais des minorités au niveau du pouvoir d’achat et de la vie quotidienne tout autant. Alors, monsieur le Président, je vous le demande, n’oubliez pas les pauvres. […]