La Prière pour la France écrite et proposée par André Cardinal Vingt-Trois, archevêque de Paris a déchaîné les passions (surtout celles de la braguette) et a ouvert l’inénarrable boîte de Pandore des rapports entre le sexe et l’Eglise. Le site A la table des chrétiens de gauche traite cette question sous la plume de René Poujol. Certes, le sexe et l’Eglise forment un couple chaotique, leur cohabitation ne semble pas être des plus faciles mais aujourd’hui, n’il y a-t-il pas d’autres urgences que de se cristalliser sur le bas ventre ? Même si c’est de là que la vie provient, ne pourrions-nous pas nous élever et tâcher de faire entendre autre chose que ce sempiternel refrain « l’Eglise est contre le sexe » ?
L’Eglise et la sexualité c’est un peu comme les feux de l’amour ou autre série fleuve. Cela revient sur le devant de la scène, comme ça, parce qu’un prélat a osé prendre une position, souvent prudente, un tantinet sibylline et peut être maladroite. S’en suivent les gros titres des journaux, des échanges enflammés sur les réseaux sociaux et de nombreux billets sur des blogs. Tant mieux ! Cela crée du débat, de l’émulation mais c’est souvent vain car chacun campe sur ses positions. Certains, dans l’Eglise, ne sont d’ailleurs pas en reste quant à cette obstination.
La sexualité en dialogue
Nous pouvons trouver parmi les ardents défenseurs de cette position dure les passionnés d’ornements ecclésiaux et autres lingeries en dentelles… mais ne généralisons pas… Il m’apparaît important de sortir de cette stérilité en débat pour entrer, enfin, en dialogue. N’est-ce pas d’ailleurs le point d’ancrage de toute vie le dialogue ? Nous sommes toujours gagnant à ouvrir l’échange, à la condition d’une part de bien comprendre ce que l’autre dit, et d’autre part d’accepter d’être déplacé dans sa compréhension des choses. Sinon, c’est une perte de temps. Un ami prêtre me disait récemment que lorsqu’il doit écrire quelque chose à propos du couple, de la morale sexuelle il se tourne naturellement vers plusieurs de ses amis mariés ou en couple qui connaissent bien mieux la réalité que lui, célibataire pour le Royaume. Il n’est sans doute pas le seul dans cette situation mais cela donne une méthode humble qui m’apparaît pertinente. L’institution ecclésiale n’est pas omnisciente et en matière de sexualité sa pratique est assez limitée. Nos clercs ont certes aussi à faire des efforts dans ce domaine, mais chacun a des torts. Les médias en premier : quand l’Eglise parle de régulation financière, de dignité des conditions de travail, travaille au milieu des nations pour que la paix puisse voir le jour… nul, sauf la presse spécialisée, n’en parle. Pourtant l’information existe et est accessible à qui veut bien se donner la peine de chercher.
L’urgence n’est pas le sexe
Pour moi, l’urgence pour l’Eglise ne réside en des questions de sexe, d’homosexualité, de pilules, préservatifs et autre questions contraceptives. Elles sont intéressantes mais dans une vue d’ensemble, dans une réflexion sur ce que chacun veut faire de sa vie. De quelle manière il veut vivre son rapport aux autres. Cela demande de pouvoir éclairer sa conscience. L’urgence, pour l’Eglise, est d’annoncer le Seigneur « jusqu’à ce qu’il revienne », comme nous le chantons à la messe. Annoncer le Christ ce n’est pas dire « fais pas çi, fais pas ça ». Même si’institution ecclésiale s’est bien permise de le faire durant trop longtemps en montant en épingle l’enfer et les phrases de type : « c’est le petit Jésus qui t’a puni ». Pendant trop longtemps, il y a eu une infantilisation, une mainmise sur les fidèles pour mieux, sans doute, les manipuler. Mais les temps et les mentalités ont changé, le Concile Vatican II est passé par là et les fenêtres de l’Eglise ont été invitées à s’ouvrir. La Mission de l’Eglise c’est d’annoncer que Dieu aime infiniment chacun.
La raison d’être de l’Eglise c’est l’annonce de l’Evangile
La position première du chrétien doit être celle du missionnaire ; elle devrait être pour chacun une nécessité comme le dit Paul dans son épitre aux chrétiens de Corinthe (1 Co 9, 16). Etre missionnaire c’est aller à la rencontre de l’autre, des autres, ce qui demande du temps, de la conversion, et une ouverture de cœur à toute épreuve. Rencontrer l’autre dans une attitude de respect, plus prompt à sauver sa proposition qu’à la condamner, comme dirait Ignace. La position est délicate car nous sommes souvent tentés d’imposer notre point de vue avant même d’avoir entendu celui de l’autre. Et, en même temps, annoncer l’Evangile ce n’est pas simplement bavarder, échanger c’est témoigner que celui qui me fait vivre s’est fait chair. L’urgence est l’annonce que ce Dieu nous convoque à l’Amour et veut que nous le vivions avec nos contemporains. Ce qui demande d’être vigilant et combattif à toutes les situations où la dignité de l’homme est menacée notamment lorsqu’il connaît des situations de précarité ou de pauvreté. Là est l’urgence, là nous devrions mobiliser nos énergies pour chercher ensemble comment dire Dieu aux hommes et aux femmes de ce temps. Comment témoigner sans prosélytisme, dans le respect mais avec la passion de l’Evangile au corps et au cœur. Voilà ce qui me paraît plus important que nos histoires de fesses. Notre devoir de chrétien est de montrer que nous sommes le prochain de notre prochain et non de condamner tout ce qui ne nous semblerait subversif.
J’espère que le synode qui se déroulera à Rome en octobre prochain sur la nouvelle évangélisation permettra un renversement de vapeur. Que la priorité sera davantage mise sur les questions de l’annonce, sur la manière de rejoindre les hommes et les femmes de notre temps dans leurs questionnements vitaux plutôt que sur ces questions de sexualité, non négligeables mais qui ne me semblent pas, aujourd’hui, l’urgence. C’est en partant de l’expérience, de la vie de nos contemporains que nous trouverons la manière de les rejoindre en leur témoignant de la vie de Celui qui nous fait vivre. Cela demande de sortir de nos idées toutes faites, de puiser dans la richesse de la tradition de l’Eglise et de faire preuve d’une généreuse inventivité. Dieu, à nous d’inventer la vie qui va avec !
Bonjour et merci. Effectivement, il me paraît essentiel de ne pas se tromper de débat en cette rentrée pleine d’incertitudes vis à vis de la situation économique, au sein de nos familles (euh ma petite chérie va-t-elle trouver sa place dans son nouveau lycée, collège ect ..?) ou bien au sein de nos paroisses et mouvements : (certes on trouve toujours des solutions mais les besoins en laïcs engagés sont toujours importants) Et témoigner de la Foi qui nous anime me semble beaucoup ORIGINAL que d’aller sur des sentiers où tout le monde nous attend.
Bonjour Laure. Merci de votre réaction. Nous avons toujours tendance à nous centrer sur ce qui fait le buzz, c’est le règne de la communication qui prend le pas sur le bon sens.
Oui, nous avons des raisons légitimes de nous inquiéter à plus d’un titre. Mais c’est inquiétude est vaine si elle n’est pas tournée vers le souci de l’autre et de sa dignité. C’est en cela que le témoignage chrétien est essentiel. Il s’agit de vivre, avec la grâce de Dieu, avec nos contemporains et trouver, ensemble, les moyens pour les rejoindre comme ils sont, là où ils sont. Cela demande inventivité, espérance et gratuité dans la rencontre…
Bonjour Pierre-Baptiste. J’ai beaucoup aimé ton point de vue qui me rejoint absolument, mais j’ai quand même ri aux éclats, quand j’y ai lu cette phrase » La position première du chrétien doit être celle du missionnaire « , après avoir dit que l’urgence de l’Eglise n’est pas le sexe. Sais-tu que de mon temps, la position la plus puritaine adoptée par le mari pour honorer sa femme était appelée « la position du missionnaire » 🙂
Je serais tenté de croire que l’ambiguïté de cette phrase est voulue …
PB :
– Même en affectant de ne pas y toucher, les allusions aux dentelles desservent ton propos.
– « C’est le petit Jésus qui t’a puni ». As-tu personnellement jamais entendu cela ? Il me semble que, de nos jours, ça tient de la légende urbaine.
@Incarne : Pour ce qui est de la « légende urbaine »; elle n’en est point une. C’est une expression que j’ai, et d’autres avec moi, entendue plus d’une fois.
Sans déc’ ?? Et t’as rigolé, au moins ?!
Ce n’est pas du tout une « légende urbaine », mais une réalité encore tenace, surtout dans les campagnes où le « jugement de Dieu » est fréquemment une explication à une situation de souffrance ou de détresse. Il y a urgence à relire (ou à lire) le Livre de Job.
Bravo pour votre blog.