Jésus, dans l’Écriture, prend le temps de s’arrêter pour écouter et aimer. Lui qui est toujours sur les routes, à la rencontre des uns et des autres, interpellé par les blessés de la vie, s’efforce d’écouter et aimer. C’est un effort, car cela demande de la volonté. Aussi, entendons-le comme un appel à ne pas s’écouter et à prendre de la distance pour être pleinement disponible pour l’autre. C’est peut-être une des différences majeures entre Dieu et nous. Lui, il a toujours le temps pour nous. Il s’arrête sur la margelle des puits de nos vies pour les écouter et aimer. Cette attitude du Christ est celle qui nous est décrite dans l’Évangile de ce 31e dimanche ordinaire. La rencontre avec le Scribe permet d’entendre le « Shema Israël ». Cette prière est récitée quotidiennement par nos frères aînés dans la foi.
Un nouveau commandement : écouter et aimer
Mais Jésus y rajoute un autre élément : celui de l’amour mutuel. Pour être un « bon croyant », il ne faut donc pas seulement écouter Dieu, mais aussi aimer son prochain comme soi-même. Vaste programme… En fait, il n’y a pas d’alternative si nous voulons mettre notre foi en pratique. Il est impératif de mettre en dialogue ces deux verbes : écouter et aimer. Sans eux notre foi est vide et dépourvue d’enracinement. Nous avons été créés comme des glaiseux, issus et modelés à partir de la terre créée par Dieu. Notre lien à cette terre de nos ancêtres exige de nous que nous fassions attention à ceux, qui, comme nous, en sont tirés. Il s’agit de prendre le temps d’écouter et aimer ceux que nous sommes appelés à rencontrer au cœur de nos jours.
Une exigence liée à notre baptême
Ce n’est pas forcément évident mais c’est véritablement une fraternité universelle que notre baptême exige de nous. Il ne nous fait pas être supérieur ou meilleur que les autres. Mais il nous révèle l’exigence d’une attention particulière à l’autre. Tant de fois nous passons à côté de personnes que nous refusons de voir ou au moins qui nous sont désagréables pour tout un tas de bonnes ou de mauvaises raisons. Pour autant, elles aussi méritent notre intérêt, un regard, une parole qui montrent qu’elles ne sont pas des objets, appartenant au décor. Prendre le temps d’écouter et aimer chaque personne devrait être un impératif pour nous.
Nous avons à prendre exemple sur Lui, à mettre nos pas dans les siens pour que le mépris, la haine, la rancune n’habitent pas notre cœur. C’est la miséricorde, l’attention et l’amour particuliers portés à chaque personne qui habitent son cœur. Le notre est si souvent empli de mauvaises pensées pour diverses raisons.
Collaborateurs de la mission du Christ
Aussi, appuyons-nous davantage sur le cœur du Christ, qui nous renouvelle dans notre générosité, pour mieux le servir et l’aimer. Pour pouvoir aimer et écouter le Christ de tout son cœur comme nous y encourage la première lecture, il faut qu’il soit disponible. C’est pourquoi nous pouvons mettre en pratique ce conseil de Pierre : « Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, puisqu’il prend soin de vous (1 P 5, 7) ». Apprenons du Christ à ne pas compter sur nos propres forces. Même si nous sommes ses collaborateurs pour la mission, nous ne sommes pas pour autant des géants ou alors avec des pieds d’argile.
Des hérauts disponibles
Nous avons à être des hérauts de l’annonce de l’Évangile et des héros. Dieu n’en a pas besoin. Il requiert de nous une pleine disponibilité pour annoncer son royaume et sa justice par nos vies, mais non de remporter volontairement la palme du martyre. Notre quotidien nous fait souvent communier à la Croix du Christ. Ne cherchons pas davantage les souffrances. Ce ne sont pas elles qui nous configurent au Christ, mais le baptême reçu.
Fragiles mais aimés
Écouter et aimer Dieu, ce double commandement, doit rester gravé dans notre cœur, nous dit le livre du Deutéronome. Cet impératif, ce commandement n’est pas une menace de la part de Dieu. Il ne nous impose pas de l’aimer sous peine de sanction. Il nous invite, plutôt, à nous laisser rejoindre par son fol amour, car cela dilate notre cœur et peut changer radicalement nos vies. Suivre le Christ au plus près, c’est également lutter contre tous ces abus de pouvoir qui peuvent naître dans notre cœur. C’est bien ce que vient mettre en lumière la seconde lecture.
L’épître aux Hébreux nous fait saisir notre fragilité, notre imperfection même dans la mission, le ministère que nous exerçons au nom du Seigneur. Cette écharde dans la chair (2 Co 12, 7) dont parle saint Paul est notre finitude qui doit nous conduire à la louange. C’est-à-dire à reconnaître que c’est dans cette attitude qui consiste à écouter et à aimer Dieu et donc nos frères et sœurs en humanité que nous pouvons l’entendre nous appeler à (re)construire l’Église.
Construire la fraternité
Souvenons-nous que nous ne sommes pas là pour asséner des vérités, des conseils ou des règles morales. Nous sommes ces femmes et ces hommes follement aimés de Dieu à qui est confiée la construction fraternelle du monde. C’est cette fraternité qui sera le signe du Salut que le Christ vient nous apporter. À chaque fois que nous nous rassemblons au nom du Christ et plus spécialement lors de l’Eucharistie, nous manifestons le Corps du Christ.
Sa présence manifestée dans son corps et dans son sang réalise la fraternité de ses fidèles appelés et envoyés à manifester au monde la Paix. Celle-là même qui nous rend intranquilles, soucieux et en même temps attentifs, tant que des germes de haine ou de suspicion habiteront notre cœur. C’est bien ce cœur que nous avons à purifier au feu de l’amour de Dieu. Non au travers de sacrifices – celui du Christ suffit une fois pour toutes – mais en nous confiant jour après jour à la joie du Cœur du Christ. Son incarnation nous dit la joie de Dieu de d’être en chemin, habités d’un désir de conversion pour servir ce monde en ce temps.
Alors, prions les uns avec les autres dans l’action de grâce, et à la veille de la fête de la Toussaint, demandons leur intercession des saints et des saintes connus ou inconnus, pour que nous sachions marcher davantage à la suite du Christ serviteur.