Faire corps pour devenir prophète


Méditations au coeur du monde, Temps liturgiques / vendredi, septembre 24th, 2021
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Faire corps pour devenir prophète« Il est difficile de faire communauté, mais la proximité entre [n]ous est vraiment importante ». Par ces mots prononcés le 12 septembre 2021, lors de sa conversion avec les jésuites slovaques, le pape François nous invite à faire corps. Ce n’est pas tant pour faire front mais pour assumer la dimension prophétique de notre baptême. Faire corps, c’est s’enraciner dans l’Église qui est le corps, le cœur même du Christ. Dans les textes de ce 26e dimanche ordinaire, nous entendons bien le risque de division. Dans nos mouvements, nos paroisses, nos lieux de vie, nous sommes attachés au sentiment d’appartenance. Mais, nous devons nous méfier de nous-mêmes, de nos réflexes corporatistes et jugements hâtifs.

Faire corps

Faire corps, c’est accepter la singularité de l’autre et prendre conscience qu’il a, sans nul doute, quelque chose à me dire. Cette différence est un appel à la charité fraternelle. Elle nous invite à dépasser nos visions pyramidales et corporatistes pour rentrer dans cette perception polyédrique, chère au pape François. Cette charité, qui peut aider chacun et chacune à faire corps, habite Moïse et Jésus. Leurs disciples aimeraient que tous soient dans le même moule. Que d’aucuns soient dépositaires de l’Esprit du fait qu’ils se sont rendus à la Tente et que d’autres chassent les démons parce qu’ils appartiennent au groupe identifié des disciples. Ce serait effectivement logique.

Laisser l’amour de Dieu nous déborder

Mais, Dieu n’est pas logique. Son amour est abondance de biens et déborde en permanence nos manières de voir et de penser. Il nous appartient, avec l’aide de la grâce, d’entrer dans ce mouvement de Dieu. Soyons attentifs à ne pas l’enfermer dans nos logiques de caste. Ni Lui, ni les autres. Ce qui compte, au-delà de ce sentiment d’appartenance, de marcher dans la même ligne que les autres, c’est d’être habités des mêmes sentiments que le Christ. Tendre vers cet appel, c’est vivre la dimension prophétique de notre baptême au cœur même de notre singularité. Tous, comme baptisés, avons reçu de la part du Seigneur, la mission de prophétiser. C’est porter la parole du Seigneur au cœur du monde, dans et par toute notre vie.

Une mission quotidienne

Pas facile cette mission quotidienne. Bien souvent, nous avons tendance à mettre notre relation personnelle avec le Seigneur de côté. Nous avons véritablement à nous revêtir d’humilité au quotidien et à demander au Seigneur, comme nous le suggère le psalmiste de ce dimanche : « Préserve aussi ton serviteur de l’orgueil :qu’il n’ait sur moi aucune emprise. ». Cette tentation peut nous guetter lorsque nous revenons vers le Seigneur, lorsque nous nous réveillons de cet « Alzheimer spirituel » dont nous sommes frappés si régulièrement. Dans ces cas-là, il n’est pas question de fanfaronner ou, à l’inverse, de nous humilier. Nous avons plutôt à renouer, avec le Seigneur, son Alliance qui ne cesse de nous attendre.

Devenir des prophètes

Ayons conscience que ce n’est pas le Seigneur qui s’éloigne de nous. Trop souvent, c’est nous qui nous éloignons de Lui, préférant compter davantage sur nos forces, notre orgueil, nos têtes plus ou moins bien faites, que sur son fol amour. C’est ce même mouvement qui est dénoncé dans les textes de ce dimanche. Le Seigneur nous demande d’être des prophètes à temps et à contretemps et nous, nous passons notre temps à dénoncer ceux qui ne feraient pas comme nous. Il est bien difficile, dans ces conditions, de faire corps, de se rassembler, unifiés par l’Amour de Dieu.

Faire confiance à la générosité de Dieu

Alors que faire ? Faut-il continuer de nous lamenter et de tenir une position intransigeante ? Il semble, plutôt, à la lecture de l’Évangile de ce dimanche, que le Seigneur nous appelle à la confiance, à l’ouverture et à la générosité. Comment ne pas se réjouir, avec le cœur dilaté, lorsque nous entendons le Christ nous dire : «  Celui qui vous donnera un verre d’eau au nom de votre appartenance au Christ, amen, je vous le dis, il ne restera pas sans récompense. » Nous pouvons comprendre que notre appartenance au Christ nous rend sympathiques et donc que nous avons le droit à un verre d’eau. Peut-être. Mais, notre amour pour le Christ, notre désir de le suivre de plus près doivent nous conduire à être indifférents.

Devenir indifférents

Cette indifférence que saint Ignace érige comme Principe et Fondement de ses Exercices Spirituels doit nous conduire à être pleinement ce que nous sommes. Si nous plaisons, par nos paroles, notre manière d’être, notre annonce implicite ou explicite du Christ et de son Évangile, réjouissons-nous. Mais si nous déplaisons, pour les mêmes raisons, ne nous désolons pas ! Ce qui importe c’est de garder en toute occasion intacte le dépôt de la foi. Celle-là même qui nous entraîne à nous reconnaître comme aimés passionnément par le Christ et à partir sur les routes des femmes et des hommes de ce temps mus par cet amour. C’est cette conviction intérieure qui nous rendra aimables.

Faire corps et lire les signes du temps

Faire corps, appartenir au groupe des disciples, ce n’est pas comme appartenir à un club de sport ou à une association. C’est se laisser entraîner par la charité du Christ qui nous conduit à nous rendre là où nous ne voulions/ne pensions pas aller. Prenons donc le temps de « lire les signes du temps » comme nous y invite le Concile Vatican II.

Au carrefour du monde

Nous entendrons sans nul doute l’Esprit nous inviter à être témoins de l’Évangile au carrefour du monde. Puisque c’est bien ce monde, dans la diversité de ceux qui l’habitent, de leur manière de vivre et de penser, que nous sommes appelés à prendre à cœur. Il n’est pas d’autres champs de mission que la « glaise » de notre humanité. C’est elle qui nous unit au sacrifice du Christ qui s’est offert, gratuitement, pour nous.

L’Eucharistie : sacrement de l’unité

Nous retrouvons cette force d’amour, à chaque fois que nous faisons corps. Dans chaque Eucharistie nous trouvons le renouvellement de ce don, de cette « preuve suprême de la puissance de Dieu », qui nous unit davantage au Christ et nous donne part à son Esprit.

Prions donc les uns pour les autres, les uns avec les autres, pour que nous puissions rechercher ce qui peut nous conduire à nous enrichir de la charité du Christ.