« Déliez-le, et laissez-le aller » : ces mots concluent quasiment l’Évangile dit de la résurrection de Lazare, de ce 5e dimanche de Carême. Dimanche prochain nous inaugurerons la Semaine sainte avec les Rameaux. Ces mots de saint Jean que nous entendons aujourd’hui sonnent comme une libération. Jésus libère Lazare son ami, et demande à ses proches de participer à son œuvre de libération. Jésus se révèle, comme à la Samaritaine et à l’aveugle de la semaine dernière. Il confesse qu’il est cette puissance de vie, cette puissance d’amour venue nous libérer de ce qui nous entrave, de ce qui nous fait mourir.
Lazare libéré
Même si dans cet Évangile, il est question de maladie, nous pouvons entendre, aujourd’hui, tout ce qui peut nous conduire à la mort spirituelle. Nous pouvons sans nul doute en dresser une longue liste tant nous sommes loin de l’amour que Dieu nous porte. Mais, ce qui importe c’est justement cet amour qu’il nous porte. La libération de Lazare nous conduit à méditer sur la manière dont l’amour libère.
Lazare et les larmes du Christ
Certes, Jésus attend pour se rendre au chevet de son ami comme pour mieux faire triompher la gloire du Père. Mais, il nous faut noter tout de même qu’il fond en larmes, il est bouleversé, il est remué aux entrailles par la mort de Lazare. Ainsi, peut-être pouvons-nous aussi voir Jésus être ainsi devant nos conversions si difficiles. Parfois nos cœurs, nos institutions sont malades et risquent de mourir si nous ne nous reposons par sur l’Amour de Jésus. Jésus est là, présent à notre porte, à celle de notre tombe dans laquelle nous nous enfermons parce que nous avons toujours fait ainsi. Son attente n’est pas perverse, mais pour nous aider à creuser le désir de changement, l’expression de notre besoin de libération qui sommeille en nous.
L’amour libère
Il y a tant de choses que nous aimerions changer en nous, mais peut-être sont-elles subalternes à l’essentiel. C’est cet essentiel que nous devons chercher et discerner au cœur de notre vie. Mais pas tout seul. Dans cet Évangile de la libération de Lazare de la mort, il est entouré de gens qui l’aiment. Il y a une communauté qui est là et qui soutient Marthe et Marie. Ces deux sœurs sont proches du Seigneur et lui demandent de venir, en ami, auprès de Lazare souffrant. Ainsi, tantôt nous sommes ce Lazare, enfermé dans les liens de la mort spirituelle, tantôt nous pouvons être ces proches qui plaident pour la libération. Cette deuxième attitude est celle du priant, de celui, ou celle qui a confiance en Dieu.
Comme les amis de Lazare, portons notre prière devant Dieu
Devant Dieu nous portons la souffrance de nos frères et sœurs. Cette humanité souffrante, nous la lui confions dans notre prière et lui demandons de venir auprès des malades. Dans notre demande, nous avons conscience de la libération qu’il vient apporter, mais nous ne savons pas comment. Peut-être que notre enfermement est tel que « nous sentons déjà ». Mais, cela n’effraie pas Jésus.
Trouver la bonne odeur du Christ
Il y a des lieux effectivement qui n’ont pas « la bonne odeur du troupeau », mais qui peuvent être sauvés, faire l’objet d’une libération. C’est cela qui est au cœur de la vie chrétienne. Chercher à permettre au Christ de libérer par nos voix et nos actes ce qui est encore enfermé. Ainsi, comme pour la Samaritaine, il peut faire jaillir de nos vies, une eau vive qui rafraîchit et désaltère. Avec la Samaritaine, l’aveugle et aujourd’hui Lazare, nous comprenons que le Seigneur est du côté de la vie. Cette vie en abondance à laquelle nous communions si nous laissons le Christ nous libérer, nous conduire en dehors de nos tombeaux.
Écarter la mort qui rôde
Même si avec Pâques nous sommes ressuscités avec le Christ, avouons que parfois la mort rôde encore. Nous sentons que le mal peut ronger nos institutions et notre cœur. Nous savons que la détresse, la persécution, la violence demeurent dans nos sociétés et nous pouvons être découragés. Mais, en comptant davantage sur le Christ, nous pourrons avancer vers la splendeur de sa lumière. Cette lumière est là pour voir toutes choses nouvelles en Christ, pour nous laisser renouveler par le regard du Christ. À Pâques, le feu pascal illuminera la nuit comme le Christ veut illuminer notre vie, ouvrir nos yeux.
Avec Lazare, passer de la nuit à la lumière
Lazare passe de la nuit du tombeau, de l’enchaînement de la mort qui est muette à la clarté du visage du Christ. Ainsi, contemplons l’agir du Christ dans son accompagnement. Il libère Lazare de la mort pour le rendre à la vie, non pour mettre la main dessus. C’est d’ailleurs la consigne qu’il donne à ses amis : « Déliez-le, et laissez-le aller ». C’est donc une vraie libération, une délivrance qui n’aliène pas, que nous donne le Christ. Il pourrait mettre la main sur Lazare qui lui doit la vie. Mais, non ! Il choisit de le laisser aller. Il l’invite à vivre de nouveau.
Vivre en plein monde
Ainsi, le Christ nous apporte la libération pour que nous vivions en plein monde. Nous sommes créés pour sa louange c’est-à-dire pour le servir et le respecter au cœur du monde. Il ne nous est pas demandé d’être autrement que ce que nous sommes.
La libération du cœur
La libération que le Christ opère en nous est celle du cœur pour que nous soyons davantage du côté de la vie, de ce qui apporte de la lumière aux autres. Cette lumière ce n’est pas la nôtre, mais celle de l’amour et de la miséricorde de Dieu. C’est ce que le Christ nous apprend avec cet Évangile de la résurrection de Lazare. Certes, elle est la manifestation de la gloire du Père, mais surtout l’assurance que notre pèlerinage sur terre est balisé par la splendeur de l’amour de Dieu.
Porter par le Christ sur notre chemin
Alors, aux ténèbres de nos cœurs, à nos esprits parfois embrumés par la monotonie du quotidien ou le poids du jour, laissons jaillir la lumière de Dieu. C’est cela avoir foi Dieu. Nous avons à faire acte de confiance, à nous en remettre davantage à sa grâce qu’à nos propres forces. Le chemin n’en sera pas plus aisé – la foi n’est pas de la magie – mais nous nous sentirons soutenus, encouragés, portés par cet amour qui nous dépasse.
Forts de cette conviction que l’Esprit – n’en doutons pas – met dans nos cœurs, demandons au Père de nous aider à « marcher avec joie dans la charité de son Fils qui a aimé le monde jusqu’à donner pour lui sa vie » (prière d’ouverture de ce 5e dimanche de Carême).